Planche d'apprentissage braille avec des pions

Journée mondiale du Braille

“Continuer à lire des histoires aux petits-enfants est une motivation considérable” : ces personnes qui apprennent le braille à Orléans

Article paru Le 5 janvier 2024 dans la République du Centre

Jeudi 4 janvier, c’est la journée mondiale du braille. Ce système d’écriture par points, inventé par Louis Braille, peut s’apprendre à la maison de la déficience visuelle d’Orléans. Ceux qui l’apprennent sont souvent des personnes devenues déficientes visuelles sur le tard, du fait de maladies. Elles retrouvent ainsi de l’autonomie.

Au programme du cours de braille, donné par Sophie Dupin jeudi 4 janvier, un jeu de bingo. Chacun des cinq apprenants pioche dans un sac une petite carte. Il n’y a pas de lettre dessus, mais des points. La lecture ne se fait pas avec les yeux, mais avec le bout des doigts.

Pour savoir dans quel sens tenir la carte, une encoche a été faite en haut à droite. “Alors, il y a le 1, 3, 4, 5, 6, c’est le Y”, réfléchit tout haut Michel, des lunettes noires sur les yeux. Les quatre autres participantes touchent leur grille, pour savoir si elles ont la lettre Y. 

“Cela fait travailler la mémoire”

Après le bingo, place à un jeu de bataille. Les cartes ressemblent à n’importe quel autre jeu avec un six de pique, un huit de carreau… Mais sur un côté, des petits points apparaissent en relief. Dans leur tête, les apprenants corrèlent les points avec des chiffres. “Vous savez, cela fait travailler la mémoire, j’ai 75 ans”, nous interpelle l’une des apprenantes.

“Je ne pensais pas avoir besoin d’apprendre le braille, j’ai un téléphone qui parle, un ordinateur qui parle. Mais finalement, j’ai compris l’utilité notamment pour la cuisine, pour le sel…”, raconte Michel.

“Ce sont des nouveaux braillistes – ils ont commencé en septembre – et nous faisons une séance de deux heures tous les quinze jours. Certains ont une importante déficience visuelle, quasiment aveugle, d’autres viennent d’apprendre qu’ils ont une maladie qui les rendra non-voyant un jour ou l’autre. Il faut environ une année pour être à l’aise avec l’alphabet. On travaille sur la lecture mais aussi sur l’écriture braille, avec les outils adaptés comme la Perkins (une machine à écrire le braille). Et ils pourront lire des petits textes, on ne parle pas de roman”, décrit la professeure, confrontée, elle aussi, à cette situation.

Les cours se passent à la maison de la déficience visuelle, une structure unique dans la région ouverte il y a un an et demi, au 7, rue Antigna, à Orléans.

Photo : Atelier braille

Les personnes âgées les plus concernées

“Pour apprendre le braille, il existe des dispositifs spécifiques pour les enfants par exemple. Pour les adultes, nous sommes la seule structure ouverte à tous à proposer des ateliers de sensibilisation, des cours. Nous éditons aussi des documents en braille, à la demande” décrit Michel Brard, président de la Fédération des aveugles et amblyopes Val de Loire. 

“En nombre, le public le plus concerné par la déficience visuelle, ce sont les personnes vieillissantes, touchées par des maladies comme la DMLA, ou après un AVC. Elles peuvent être amenées à avoir besoin du braille. 90 % des personnes ne l’apprendront jamais car ils ont un reste visuel. Mais pour 10 % des personnes, c’est vraiment une source d’autonomie au quotidien.”

Photo : Président de la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France Centre Val de Loire Michel Brard parle avec les participants de l’atelier.

“On peut l’apprendre à tout âge”

Il se veut rassurant, “on peut l’apprendre à tout âge, c’est d’abord une découverte, comprendre comment cela marche avec seulement six points. Cela passe aussi par des jeux de manipulation, cela développe l’aspect tactile. C’est très bon pour le cerveau. L’idée n’est pas de chercher à lire des livres, mais d’être capable de lire des mots simples, comme le nom des médicaments. Même si vous mettez du temps, vous êtes autonomes”. 

Pour ces personnes privées de la vue, c’est aussi une manière de maintenir un lien social. “Il existe des livres en double écriture, quand on est un papi ou une mamie qui perd la vue, savoir qu’on pourra continuer à lire des histoires aux petits-enfants est une motivation considérable. Comme pour les jeux de société.”

Par Cindy Roudier-Valaud